L’architecture du buffet d’orgue

Le 2 février 2017, lors de l’assemblée générale de l’AOTM, trois esquisses de buffet dessinées par Martin BACOT (cabinet ARCHIPAT) avaient été présentées, extraites d’un avant-projet.

L’esquisse largement plébiscitée lors de l’assemblée générale, a été présentée fin mars à la DRAC et au Conseil Presbytéral, puis retravaillée.

 

Début avril 2017 Martin BACOT a présenté l’avant-projet architectural d’un buffet d’une esthétique très novatrice : quatre grandes colonnes dégageant les vitraux de la tribune et dont le décor entre en dialogue avec l’esprit du lieu.

Cet avant-projet, modifié en mars 2018, tient lieu de cahier des charges architectural pour les facteurs qui ont été contactés. Afin de réduire le coût de l’ensemble de l’instrument, il a été convenu  de la réaliser en 8 pied et non en 16 pied en montre. 􏰌􏰔􏰕􏰘􏰑􏰋􏰫􏰀 􏰋􏰘􏰀 􏰏􏰋􏰀 􏰑􏰋􏰓􏰑􏰔􏰒􏰍􏰋􏰑􏰀 􏰎􏰚􏰋􏰕􏰦􏰋􏰌􏰛􏰎􏰋􏰀 􏰙􏰕􏰦􏰘􏰑􏰒􏰌􏰋􏰕􏰘􏰐􏰎􏰀 􏰞􏰋􏰑􏰦􏰀 􏰎􏰋􏰀 􏰢􏰋􏰕􏰘􏰑􏰋􏰬

Résumé du travail effectué par Martin BACOT (Agence ARCHIPAT de Lyon)

  • ANALYSE STYLISTIQUE
  • SITUATION URBAINE / MONUMENTALITÉ

En situant le nouveau temple sur la rue Maguelone reliant la gare à la place de la Comédie, face à un square nouvellement créé, les commanditaires souhaitaient véritablement faire acte de présence au coeur de la cité ; le caractère monumental de l’édifice répond à cette exigence urbaine. Très articulé, il présente une façade ouvrant sur un porche profond, accusant le caractère urbain, et surmontée d’un clocher (aujourd’hui démonté).

VOCABULAIRE ET SIGNIFICATION

Une ancienne photo du temple

L’écriture architecturale du temple est d’un éclectisme assumé : elle mêle les styles historiques pour constituer la monumentalité urbaine du XIXe siècle.

Ainsi, le plan centré provient autant des recherches romanes que de l’époque renaissance. La coupe à tribunes, inspirée de la coupe basilicale paléochrétienne, a été abondamment utilisée dans les temples et s’ancre dans la tradition protestante). De la première renaissance italienne viennent les étroites lancettes jumelées surmontées d’un oculus, ou l’entablement de la tribune. Les colonnes à chapiteaux fleuris, les puissantes piles fasciculées de la croisée et sa voûte font référence à l’art du moyen-âge roman, puis gothique. La référence dominante reste bien naturellement celle de la Renaissance, époque fondatrice de la Réforme, notamment à travers le plan centré, le traitement des volumes et de l’éclairement, l’articulation savante de la composition.

Dans ce contexte, le vocabulaire néogothique de l’orgue actuel apparaît peu intégré.

 

  • ANALYSE SPATIALE
  • PLAN

Le plan de l’édifice est basé sur le carré: les quatre bras sont inscrits dans un carré, et la croisée dans un autre, légèrement désaxé ce qui contribue à renforcer l’axe est-ouest (axe majeur opposant l’entrée à la chaire) au détriment de l’axe nord-sud. On releve que le côté du carré de la croisée à l’axes des grandes arcades, mesure exactement la moitié du côté du carré ou s’inscrit le temple. D’autre part, on trouve deux relations géométriques remarquables entre le carré de la croisée et les profondeurs des bras est et ouest : le nu extérieur du bras est, est donné par le rabattement de la diagonale du carré de la croisée, celui du bras ouest, le plus profond, est donné par le rabattement de la diagonale du demi-carré.

  • COUPE

Un certain nombre de relations de symétrie ou de géométrie sont aisément identifiables : le plan des abaques des chapiteaux, où sont pris les centres des quatre arcs en plein-cintre de la croisée, est à égale distance du sol et du sommet de la voûte. Ce plan est également un plan de symétrie entre le plan des tribunes et celui du bandeau de naissance des voûtes. Les distances entre ces différents plans, déterminant l’élévation intérieure de l’édifice, entretiennent également des rapports géométriques remarquables (rabattements de diagonales).

Les voûtements des bras à berceaux en segment d’arc, sont déterminés par ces mêmes tracés.

 

  • ECLAIRAGE, MATÉRIAUX ET COULEURS

L’édifice prend l’essentiel de sa lumière par les lancettes et doublets de lancettes surmontés d’oculi perçant les pignons, sur les quatre orientations. Cette égalité du traitement des jours laisse à la seule course du soleil le soin de caractériser les lumières et donner la perception d’une orientation naturelle. En ce sens, le masque formé par la masse de l’orgue actuel devant le doublet de lancette entre en contradiction avec l’architecture.

Les matériaux présentent une gamme colorée réservant les teintes claires et froides aux maçonneries (blancs cassés pour les entablements et éléments constitutifs de l’architecture, à-plat gris légèrement teintés pour les murs pignon, blanc pour les voûtes). En contrepoint de ces teintes froides, le sol en parquet résineux, au dessin parfois recherché, apporte une certaine chaleur, renforcée par la totalité du mobilier traitée en noyer naturel ciré ou verni. Là encore, la teinte chêne sombre de l’orgue s’écarte de l’esprit du mobilier.

  • APPROCHE ACOUSTIQUE
  • DISPOSITION SPATIALE

Le volume du temple se prête particulièrement bien à une diffusion homogène du son, tant en directivité qu’en puissance. L’édifice est servi par un plan très ramassé et de proportion largeur/profondeur proche de 1 (contrairement aux longs vaisseaux des églises médiévales).

La situation de l’instrument en tribune rapproche les sources sonores du plan médian du volume. De ce point de vue, la situation de l’orgue – actuelle et future – est proche de l’idéal : «la situation acoustique d’un orgue sera la plus centrée possible dans le plus grand volume du local, ce qui correspond à une hauteur de tribune de l’ordre du tiers de la hauteur utile3».

  • RÉVERBÉRATION

La réverbération est particulièrement généreuse, dépassant les 5 seconde lorsque l’édifice est vide. La qualité réverbérante, indispensable à l’épanouissement du discours musical à l’orgue peut, si elle est excessive, contribuer à le rendre confus. De ce point de vue, la proximité de la source sonore est un important facteur de confort acoustique, en augmentant la puissance du son direct relativement aux sons réverbérés. A nouveau, le caractère ramassé de l’édifice joue en faveur de la lisibilité musicale.

 

SYNTHÈSE DE L’ANALYSE

Le projet d’un orgue neuf dans un édifice historique d’une qualité telle que celui du Temple de la Rue Maguelonne de Montpellier doit à la fois respecter les qualités de l’architecture et porter en même temps l’expression d’une ambition culturelle dont l’une des valeurs cardinales est la création. L’analyse de l’édifice et des traditions des buffets d’orgue, loin de limiter la création, ont vocation à l’enrichir et la rendre aussi pertinente que possible.

Le Temple présente une architecture très fortement composée et ordonnée ; les quatre bras de la croix grecques sont traités de façon très égale et unifiée, notamment par l’entablement des tribunes, en dépit de variations subtiles dans les profondeurs ou l’aménagement. Le rôle de la lumière naturelle dispensée par les groupes de baies, que caractérise la course du soleil, en est d’autant plus important. Dès lors, le dégagement de l’entablement, de la balustrade et des groupes de baies du bras est, sont des enjeux majeurs pour l’installation du buffet d’orgue.

La matérialité de l’édifice présente un jeu d’opposition entre les surfaces de l’architecture (badigeon clair) et la forte présence du mobilier (bois naturel). Le caractère composé et l’unité de matériaux et de teinte sont autant moyens pour assurer l’intégration d’un orgue neuf dans l’architecture, sans chercher le pastiche.

La tribune actuelle offre enfin des conditions optimales de positionnement acoustique. La générosité de la réverbération permet notamment d’étaler l’instrument sur toute la largeur de la tribune pour en compenser l’étroitesse, sans que l’écartement des sources sonores ne soit problématique à l’écoute. Ce développement à l’horizontal correspond d’ailleurs à un trait traditionnel des buffets du Languedoc.

 

GABARIT ET CONTRAINTES ARCHITECTURALES

Le gabarit vise à déterminant le volume maximum dans lequel le buffet peut s’insérer, en prévoyant une certaine générosité par rapport aux dimensions de l’orgue compte tenu de la composition prévue. Le gabarit donne priorité au dégagement des quatre fenêtres du mur est, afin de conserver l’éclairement naturel de l’édifice. La limite de gabarit est alignée pour cela sur les tableaux d’embrasure afin de compenser les masques créés par la profondeur du buffet dans la perception en perspective.

Le déploiement en largeur du buffet est privilégié -favorisé par l’étroitesse de la tribune – sans négliger des points hauts per­mettant de développer la hauteur de tuyaux de 16 pieds en montre. Ces points hauts sont au nombre de quatre, et leur largeur maximale est déterminée par celle des trumeaux entre les baies.

L’unité de l’espace central étant notamment donnée par la continuité de l’entablement surmonté d’une balustrade par ailleurs re­lativement travaillée, il semble opportun de ne pas interrompre la balustrade par un éventuel buffet en encorbellement. La balus­trade sera maintenue dégagée, ce qui n’empêche pas de positionner des plans sonores assez en avant, juste derrière la balustrade, pour jouer efficacement un rôle de positif de dos.

 

DESCRIPTION DU PROJET DE BUFFET

Le parti général présente quatre tourelles adossées aux murs entre les fenêtres, dont la hauteur est fixée par celle de la corniche de la voûte. Au centre, le buffet occupe au maximum le gabarit afin de donner le plus grand volume possible au déploiement des plans sonores tout en dégageant la vue sur les baies : le plafond des parties intermédiaires est incliné pour cette raison. Le buffet présente ainsi deux registres superposés, qui sont ceux de l’architecture : un registre de soubassement supportant un registre de claire-voie entre les fenêtres. Si le soubassement est sombre et pour l’essentiel traité dans le ton des murs, le registre supérieur est au contraire traité en volumes ouverts sur les faces avant, et éclairés aussi bien en façade que depuis l’intérieur même du buffet. Le scintillement des tuyaux et la transparence des volumes permet ainsi de conserver au registre des baies sa valeur de clair-étage.

 

Les grandes tourelles centrales portent la montre de 8 répartie sur deux rangs superposés formant des figures libres ; une armature horizontale de soutien renforce l’unité visuelle recherchée entre l’instrument et les vitraux. La claire-voie en ton naturel en bas et s’éclaircit progressivement par des lasures jusqu’à reprendre la teinte des voûtes, afin de souligner l’élévation. La disposition légèrement asymétrique des groupes de tuyaux permet de corriger certains décalages visuels : ainsi pour le léger désaxement existant entre les colonnes portant la tribune et les trumeaux du mur.

Les tourelles latérales, réduites en hauteur et en largeur, sont traitées uniquement en façade, de même que les côtés du soubassement. Sur les côtés, la façade dissimule un espace vide laissé à l’appréciation du facteur, et qui peut être 􏰎􏰐􏰑􏰓􏰋􏰒􏰑􏰫􏰀􏰋􏰘􏰀􏰘􏰑􏰐􏰙􏰘􏰗􏰋􏰦􏰀􏰒􏰕􏰙􏰮􏰒􏰋􏰌􏰋􏰕􏰘􏰀􏰋􏰕􏰀􏰣􏰐􏰯􏰐􏰏􏰋􏰫􏰀􏰏􏰋􏰀􏰌􏰰􏰌􏰋􏰀destiné à l’usage de l’organiste (rangement) ou être occupé par des éléments techniques (soufflerie, réservoirs).

Le décor latéral des tourelles, inspiré par les bordures de vitraux, est formé par un assemblage de tubes en aluminium anodisé mat (plus économique que le bois sculpté)

Les parties du buffet situées en bas entre les tourelles et sous les fenêtres, sont installées derrière les panneaux du soubassement traités à claire-voie (ouïes verticales irrégulières) pour assurer la diffusion du son.

L’intérieur du buffet est rendu en partie visible à travers la claire-voie et derrière les tuyaux de façade : son éclairage intérieur magnifiera la qualité constructive et décorative de l’intérieur de l’instrument, de ses organes sonores et de transmission.